La Chine est une puissance dont la présence se fait de plus en plus ressentir dans le Sud-Caucase. Si pendant longtemps la région a été ignorée par la politique extérieure de Pékin, elle est aujourd’hui un marché à conquérir pour les entreprises chinoises.

            Les intérêts de la puissance asiatique sont essentiellement économiques. En effet, le coût du transport maritime des marchandises de la Chine vers l’Europe est à la hausse depuis plusieurs années, d’autant plus depuis la crise sanitaire mondiale où les coûts ont quadruplé entre octobre 2020 et janvier 2021.[1]

            Le Sud-Caucase apparaît comme l’opportunité pour la Chine de construire ou reconstruire la Route de la Soie vers l’Europe, en favorisant le transport ferroviaire à travers l’Azerbaïdjan et la Géorgie. C’est pourquoi, depuis la chute de l’URSS en 1991, la Chine investit dans les secteurs « de la construction et de la banque ».[2] Ainsi, Pékin s’immisce dans l’économie sud-caucasienne, et favorise les partenariats économiques dans l’optique de dessiner cette nouvelle route qui réduira davantage les coûts de transports des marchandises vers le Vieux Continent.

Sur cette carte, le Sud-Caucase fait office d’« itinéraire de test » pour Pékin. Cette nouvelle ligne a notamment pour but d’éviter l’engorgement du Transsibérien.[3] En effet le train chargé du transport entre la Chine et l’Europe en passant par la Sibérie est un convoi de 6000 tonnes allant à une vitesse de 50 km/h, notamment à cause du terrain accidenté.[4] Cette ligne ferroviaire n’est pas assez efficace pour assurer le transport sino-européen. C’est pourquoi la Chine a mis en place la ligne test du Sud-Caucase.[5]

            Par conséquent, depuis 2015, Pékin investit des milliards de dollars dans le Sud-Caucase, notamment dans les infrastructures portuaires dans le but de favoriser le transport de marchandises vers l’Europe. La Chine a par exemple dépensé plus d’1,5Md$ sur le port d’Alyat qui borde la Mer Caspienne, ou encore 160M$ pour un tunnel ferroviaire en Géorgie.

            Néanmoins, la Chine reste hésitante. Comme le note Pierre Andrieu, ancien co-président français du Groupe de Minsk, Pékin voit en le Sud-Caucase une « région instable et lointaine, qui ne peut être atteinte qu’en traversant de vastes déserts et une mer Caspienne capricieuse ».[6] Pour le moment, selon Pierre Andrieu, seule la Russie peut amener Pékin à s’intégrer davantage dans le paysage caucasien, notamment à travers une « Pax Sinica géoéconomique » ayant pour objectif de poursuivre les « projets russes ».[7]

            Malgré ces hésitations, la présence de la Chine dans le Sud-Caucase est un fait géopolitique important et qui ne laisse pas les voisins du Sud-Caucase indifférents. Il s’agit d’une puissance mondiale, dotée d’une grande influence et de moyens financiers conséquents, qui pourrait bien concurrencer l’influence des puissances voisines dans les années à venir telles que la Turquie, ou même celles de l’Occident ou la Russie.

 

Anthony Renard

 

[1] « Le prix du fret maritime au départ de Chine s'envole », La Tribune, Économie internationale, 20 jan. 2021.

[2] Gaïdz Minassian, « La Chine fait son entrée dans le Caucase du Sud », Le Monde, 18 nov. 2017.

[3] Joël Forthoffer, « Corridors ferroviaires Europe – Asie et coopération internationale : quelles perspectives de développement ? », Bulletin de l’association de géographes français, 96-3,  2019, p. 405-420.

[4] Alain Cariou, « Du Transsibérien au corridor eurasiatique », EchoGéo [En ligne], 49 | 2019, mis en ligne le 25 octobre 2019, consulté le 10 mai 2021.

[5] Pierre Andrieu, « Les bouleversements géostratégiques dans le Sud-Caucase », Telos [En ligne], 16 avril 2021.

[6] Ibid.  

[7] Ibid.